Chants des femmes de la Vallée Heureuse

Une poésie du quotidien

La « Vallée Heureuse » mérite bien son surnom. Située au cœur des montagnes du Haut Atlas, la vallée des Aït Bouguemez est restée pendant longtemps à l’écart des grandes voies de communication. Les cinq montagnes à plus de 3000 mètres qui l’entourent ont préservé sa culture et ses modes de vie traditionnels. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, on entend dans les vallées s’élever les voix des femmes qui chantent leur histoire et leur quotidien.

La vallée des Aït Bouguemez, nichée entre 1800 et 2400 mètres d’altitude, est un ruban de verdure d’une trentaine de kilomètres, au pied du mont M’goun. C’est une terre d’une grande fertilité, parsemée de villages à l’architecture ancestrale de terre, de pierres et de bois. Dès le printemps, lorsque la neige commence à fondre et à alimenter les sources, les pommiers laissent éclore leurs fleurs roses et blanches.

C’est à cette saison que les femmes reprennent les travaux des champs. Vêtues de tenues colorées, ces femmes ont depuis toujours chanté en accomplissant leurs tâches quotidiennes, perpétuant une tradition orale transmise de mère en fille. Elles chantent en semant le blé, en cueillant les pommes et les noix, en tissant, en lavant le linge dans l’oued Bouguemez. Le chant est la chronique de leur vie de tous les jours. Une vie qu’elles chantent aux autres tribus, lorsque la transhumance les mène à travers les vallées voisines.

Chants de fêtes

Le chant est aussi de toutes les fêtes lorsque les hommes accompagnent de leurs flûtes et de leurs tambourins les polyphonies aigües des femmes. Lors des mariages, à chaque étape du rituel, henné, coiffure, sortie de la maison, les groupes de chanteuses se donnent la réplique pour faire l’éloge de la mariée et de son époux et leur prodiguer des conseils avisés.

Un beau livre, « Les chants de la Tassaout », est consacré à l’emblématique Mririda N’ Aït Attik. Cette chanteuse de la vallée des Aït Bouguemez serait restée dans l’anonymat si, dans les années 30, un jeune français ne s’était épris d’elle. Il était un des premiers Européens à visiter la région. Il a recueilli et traduit du Tachelhaït les paroles de ses chants, transcription écrite d’une culture purement orale. Étonnant témoignage sous forme de poésie du quotidien.

« Comment aurais-je le temps d’écouter mon cœur ? » chante Mririda.