Jusqu’en 1968, on a cru que ce n’étaient que des pierres sans intérêt, recouvertes par les mauvaises herbes et enfouies sous les strates du temps. C’était ce que pensaient les habitants du douar de Sadinna, à une quarantaine kilomètres de Fès, qui ne s’intéressaient guère à leurs vieilles pierres. Et puis est arrivé Grigori Lazarev. Ce géographe et sociologue, spécialiste du monde rural, est allé y regarder de plus près. Il a vite compris qu’il se trouvait face à un trésor archéologique.
Les ruines qu’il a mises au jour dans ce douar de Sadinna, au pied d’une falaise, n’ont pas encore révélé tous leurs secrets. On a encore bien des choses à apprendre de ces pierres et des objets anciens retrouvés sur place, témoins de la vie quotidienne d’il y a quelques siècles, dans une petite ville proche des contreforts du Moyen Atlas.
Pour percer le secret de cette cité oubliée, Grigori Lazarev s’est plongé dans les livres. Et il a trouvé, dans un ouvrage écrit en 887 par le géographe Ahmad Al Ishaq Al Yakubi, une référence à « Kalaa Saddina ». Selon Al Yakubi, cette localité était habitée par une tribu berbère, dans la zone d’influence des Idrissides qui régna sur le Maroc de 789 à 985 et qui avait installé le siège de son pouvoir à Fès. La Kalaa Saddina de 887 et le douar actuel de Sadinna seraient-ils un seul et même lieu ? On peut le penser.
Autre indice dans Kitab Al Istiqsa, du grand historien marocain du 19ème siècle Khalid al-Nasiri. Il écrit qu’en 1063, le sultan almoravide Youssef Ibn Tachfine livra une violente bataille contre des tribus rebelles près de Fès. Celles-ci se seraient réfugiées « dans la ville de Sadinna » où elles auraient été massacrées avant que la ville ne soit entièrement détruite.