Entraîner son endurance pour s’affranchir de ses limites

L’endurance : une nouvelle lecture de l’effort

C’est bien connu : se soumettre à rudes épreuves permet de se sentir et de devenir plus fort. Mais tout sportif sait, même lorsqu’il n’en est pas tout à fait conscient, que l’endurance physique n’est qu’un jalon du long parcours vers la force…

Un athlète, qu’il soit capable de s’élancer dans les airs avec légèreté, courir un marathon sans s’essouffler, soulever le triple de son poids ou vaincre son adversaire les yeux fermés, peut très facilement s’effondrer face à une épreuve mentale ou émotionnelle, parfois même physique. Le corps n’est que le voile de l’esprit, à la fois objet et outil du vaste champ méconnu qui nous constitue. Celui dont la connaissance s’atteint justement au prix de la matière, donc du corps. Cependant, le sport n’est que l’une des nombreuses voies de l’endurance, probablement la plus basse à l’échelle. Pour en percevoir les échelons et pouvoir les escalader, il faut bien comprendre qu’endurer est une ascèse qui exige les plus grands des sacrifices. Le Kun-fu Shaolin pratiqué par les moines du monastère en est un exemple. Adeptes de pénitence, d’austérité, parfois même d’auto-mortification, ils croient et, le démontrent, que ce que leur corps peut supporter est symptomatique de la force de leur âme et de leur esprit. Une des pratiques les plus répandues est le jeûne ou « comment cultiver son pouvoir d’abstinence ». Pendant des mois, ils limitent jusqu’à suspendre complètement toutes leurs habitudes, qu’il s’agisse de nourriture, de parole, de réflexion, de choix ou autres.

Ce que le corps doit au cœur

Le cœur et l’esprit sont un binôme indissociable. L’esprit, telle une onde, s’agite partout, portant une énergie insondable à même de transformer toutes propriétés physiques sur son passage. Il n’y a qu’à l’imaginer dans une cage tel un tigre enragé qui, faute de discipline, se rebelle dès qu’il n’obtient pas ce qu’il désire. Entraîné, il peut faire preuve d’une sagesse et d’un pouvoir inimaginables. À commencer par la purification des actes et de la parole, premier échelon de l’endurance morale. De là, émergent le conflit et la confusion intérieurs car l’on ne s’autorise plus à faire ce dont on a envie. Une souffrance qui mène justement à la fin de la souffrance. Ajahn Chah en en donnait les prémisses lors de son discours aux moines de Wat Bovornives à Bangkok en 1977 : « Mangez peu, dormez peu, parlez peu. Quelles que soient vos habitudes dans le monde, atténuez-les, allez à l’encontre de l’emprise quelles exercent sur vous. Ne faites pas ce qui vous plaît, ne vous complaisez pas dans vos pensées. Arrêtez d’être leur esclave. Veillez à aller constamment à contre-courant du flot de l’ignorance. C’est ça la discipline. Lorsque le cœur et l’esprit y sont soumis, ils se débattent car se sentant étouffés et opprimés. Ce n’est qu’alors que nous comprenons ce qu’est réellement souffrir. »

Mourir pour mieux revenir à la vie

Cette souffrance est la première des nobles vérités dans la quête de soi. Notre monde nous apprend à la nier et vouloir y échapper, tandis que par elle seule s’atteint la sagesse. Elle enseigne par exemple à dépasser notre conception marginale du bien et du mal qui consiste à les diviser, lorsqu’en vérité ils sont tous deux les composants alchimiques de la vie, produits de l’unité. De la même manière que l’endurance n’apporte le salut que par la souffrance, il ne peut exister d’eau sans feu, de jour sans nuit, de soleil sans pluie, de vie sans mort. Accepter ces notions sans chercher à choisir son camp est le premier saut en hauteur de l’Homme sur la vie, lui permettant de contempler la totalité du puzzle au lieu de se concentrer sur les pièces. Le confort, au contraire, pur concept de société, nous ferme les yeux et nous bouche les oreilles, nous privant de la moindre occasion de développer la patience. Il nous rend négligents, inconscients, impatients, dépendants, faibles. Tous des résultats de conceptions erronées, produits d’un monde nouveau complètement à l’opposé de nos origines. Comment s’en dépolluer ? Si autrefois l’Homme conscient usait de son esprit pour dépasser la limite de son corps, l’Homme moderne se doit à présent de remonter le fil.